Terre-Neuve

13 juin au 24 juin


Carte des environs du parc national de Gros-Morne

Le passé tumultueux de la péninsule d'Avallon

Après un voyage de quatre heures, (Durant lequel nous nous félicitons maintes fois de ne pas avoir tenté de faire cette partie de la trans-canadienne à vélo), l'autobus nous dépose au village de Glovertown tard dans l'après-midi du 13 août. Le temp est nuageux. Il a dû pleuvoir car le sol est encore mouillé à certains endroits. Nous remontons nos vélos et entreprenons de parcourir la vingtaine de kilomètres nous séparant du parc national de Terra Nova, objectif majeur de cette section du voyage. Le relief est déjà beaucoup plus accidenté que sur la Viking Trail, mais nous sommes heureux de voir que le trafic est rare et l'accotement est assez large pour deux vélos de front. Arrivant au parc, un magnifique camping de plus de 300 places nous attend... vide! Les Terre-neuvois n'aiment donc pas le camping?!?! Bien que toilettes et douches fonctionnent, (Il y a même l'eau chaude!), la buanderie est fermée et il n'y a personne aux guérites pour nous acceuillir... Nous ne rencontrons que deux filles de Kitchener-Ontario, (qui sont bien heureuses de voir qu'elles ne sont pas les seuls humains dans le parc), avec qui nous passons une agréable soirée.

La journée du 14 est perdue à cause d'une pluie fine et monotone. Les filles de la veille ont continuées leurs chemins. Elles sont remplacées vers 18H00 par trois gars de Toronto entassés dans une vieille camionnette VolksWagen, ce qui nous fait un peu de compagnie après une longue et morne journée. Nous avions planifié un séjour de quatre à cinq jours dans le parc, mais vu les circonstances tout ce qu'on veut maintenant c'est de quitter ce désert le plus vite possible!

Nous "visitons" la trans-canadienne pendant les deux jours suivants... Les paysages, bien que parfois spectaculaires, ne sont hélas très souvent que répétition de collines bien ordinaires. La mer quant à elle, ne peut au mieux qu'être devinée. Ceci n'est pas aidé par le fait que la route se fait de plus en plus achalandée et que nous avons l'occasion d'entrevoir ce que serait notre périple sans le généreux accotement sur lequel nous roulons. En effet, pendant quelques kilomètres après Clarenville c'est encore l'ancienne route crevassée, très étroite et sans accotement qui subsiste encore. Une centaine de mètres plus loin, et après s'être fait frôler par une bonne douzaine de voitures, nous avons rapidement conclus que ce n'était pas une bonne idée que de finir nos jours à Terre-Neuve et avons dû marcher à pied à coté de la route, poussant notre vélo. Heureusement, ce n'était pas une trop grande distance. De plus, comble de malheur, nous manquons également de justesse (Par moins de 10 minutes!), une des rares attractions importantes de la région: Le site de construction de la plate-forme Hibernia.

Sur la trans-canadienne
dans les environs de Chapel Arm
Aujourd'hui nous quittons cette route infernale! Les panneaux se succèdent et nous voyont diminuer avec joie les kilomètres nous séparant de Wiltondale. St-John`s commence également à apparaître sur ceux-ci et l'on peut maintenant compter les ¨journées-vélos¨ nécéssaires pour l'atteindre. Grâce au camionneur rencontré à Blanc-Sablon, ainsi qu'à l'ambiance du parc de Terra Nova, nous disposons maintenant d'un total de quatre jours supplémentaires. Arrivée au village de Wiltondale, nous faisont le point afin de maximiser ces journées. Trois trajets s'offrent alors à nous: Au nord, par la 70 vers Bay de Verde, se trouve de nombreux petits villages de pêche dont quelques uns parmis les plus vieux de l'île. Au sud-est, sur la grande boucle formé par la route 10, on nous jure que l'on apercevra des troupeaux de caribous. Enfin, la boucle passant par Placentia où se trouve une vielle forteresse francaise ainsi que le sanctuaire d'oiseaux du cap St-Mary. Bien que nous éloignant temporairement de la direction de St-John`s, c'est cette dernière que nous choisissons.
Halte routière à Placentia
Les nuages gris et menacant font bientôt place au soleil, ce qui nous permet d'admirer les très beaux paysages situés de Wiltondale jusqu'à Placentia. Après quatres-vingts dix kilomètres de vélo, nous pouvons enfin relaxer en soupant dans une halte routière qui surplombe le village de Placentia, avec l'embouchure d'un mini-fjord comme arrière plan. Nous passons également cette nuit bien au chaud dans un ancient couvant transformé en gîte du passant. C'est un vieil édifice de trois étages datant du début des années trente et sur lequel nous sommes surpris en voyant que les bonnes soeurs, qui j'imagine avaient fait (entre-autres) voeux de pauvreté, disposait de chambres avec salle de bain et bain privé!

La grosse montée de Ship Cove
Le littoral vers Angel Cove
Notre objectif pour aujourd'hui est d'atteindre le cap St-Mary situé à l'extrémité sud de la péninsule. La journée commence tout d'abord par une visite au centre d'interprétation de l'ancienne forteresse francaise, du temps où Placentia s'appelait Plaisance, et c'est avec un petit sourire en coin que nous lisons les panneaux expliquant le mode des vie des "ennemis" francais, ceux-ci étant manifestement destinés à un public anglophone. Nous tirons quand même un petit réconfort de savoir que la forteresse a résistée aux assauts anglais, la conquête ne se faisant que par traité. Ça change un peu de LouisBourg et de Québec! De retour à vélo, dépassant Placentia, nous retrouvons l'ambiance et le dépaysement que nous avions ressentis à Gros-Morne et ainsi que lors des premiers jours de notre voyage dans le nord de l'île. C'est à dire; peu de voiture sur la route, paysage spectaculaire et petits villages pittoresques. La route longe ainsi le littoral sur des plateaux à flanc de falaises, redescendant périodiquement au niveau de la mer dans de petites baies. On s'apercoit rapidement que l'amplitude de ce monte-descent est de plus en plus forte au fur et à mesure que l'on s'avance vers le cap St-Mary. Les villages sont situés dans de petites vallées de plus en plus encaissées. Entre-autres, la descente de Ship Cove nous donne des frissons dans le dos car même avec les freins au maximum nous atteignons facilement une vitesse de 30 kilomètres heures, que les courbes de la route n'aident pas à diminuer.
Dans la brume du soir à Cuslet
La remontée de l'autre coté est très difficile. Après m'être rendu au tiers, j'abandonne et fait comme Elyse qui pousse son vélo en montant à pied. Des côtes comme ca, il y en aura trois dans la journée. Les autres sont faisables mais toujours très inclinées, très longues et sinueuses. A cause de cela nous mettons près de 7 heures pour parcourir 50 kilomètres. Les derniers kilomètres de cette journée épuisante se font dans un épais brouillard, sur un plateau recouvert de mousses et de roches. Nous avons la surprise de voir que des moutons circulent librement sur la route, prenant la fuite lorsqu'ils nous apercoivent. Apparemment, le propriétaire n'a pas jugé bon de construire une clôture vu le peu de circulation. La nuit tombée, nous sommes dans la belle vallée de Cuslet, à 15 kilomètres du cap St-Mary.

La pointe du Cap St-Mary
Au coeur du sanctuaire d'oiseaux
Le matin suivant nous sommes toujours enveloppés dans un épais brouillard. Avec le soleil qui se lève, l'endroit devient alors vraiment féerique et pendant une heure nous voyageons littéralement dans un univers flou d'ombre et de pénombre d'une trentaine de mètres de circonférence. Nous émergons finalement en plein soleil près de l'intersection de la 90 et du troncon de route menant au cap St-Mary. Celle-ci serpente à travers la toundra jusqu'au phare de la pointe et à la réserve d'oiseaux de mer. Entouré de hautes falaises, le cap St-Mary est vraiment un petit bijou! Nous y passons facilement quatre bonnes heures. D'après la guide nous sommes très chanceux d'avoir une journée sans brouillard et avec autant d'oiseaux. Après un courte marche nous atteignons le sanctuaire d'oiseaux comme tel. C'est un rocher détaché d'environ quatre mètres de la falaise principale sur laquelle nous nous tenons. Il est recouvert d'oiseaux de mer de toute sorte, dont les majestueux fous de bassans. Ces derniers, avec leur envergure de près de deux mètres tournoient autours de nous dans une spirale sans fin.
L'auteur sur la route du Cap St-Mary
On se dit que c'est le genre de chose que l'on ne voit que dans les revues et les documentaires sur la faune. Peu de temps après, et comme par magie, deux gars arrivent avec un équipement de tournage impressionant: Ils travaillent pour National Geographic! De retour à l'intersection de la 90, nous nous dirigeons alors vers l'est. La route passe dans une immense toundra et, le vent dans le dos, cette section se fait assez aisément jusqu'au petit village de Branch à l'extrémité sud-est de la péninsule. Allant par la suite vers le nord, la route traverse ensuite une dense forêt de conifères, entrecoupée de nombreuses petites rivières parsemées de rapides. Peu avant North Harbour, nous décidons de camper à coté de l'une d'entre elle. Quand on pense que nous avons payé pour camper dans un parc provincial offrant à peine plus de services!

Nous commencons à sentir la fin du voyage. Après une matinée sans histoires, nous rejoignons la trans-canadienne, qui, à cet endroit, est maintenant une véritable autoroute à deux voies séparées. Une bonne montée nous attend, longue mais heureusement peu difficile à cause de son inclinaison moyenne. Il fait maintenant vraiment chaud (A ce moment-là 20 degrés est extrêmement chaud pour nous) et nous passons de plus en plus de temps en T-shirt. Malgré que nous roulons sur l'accotement de l'autoroute, la beauté du paysage et le peu de distance à parcourir sur celle-ci nous fait garder le moral. 85 kilomètres sont ainsi parcouru en un temps record et sans grands efforts. Cependant, le camping du parc provincial de Butter Pot nous décoit. D'après plusieurs personnes rencontrés, il s'agissait du plus beau des parc provinciaux de Terre-Neuve. A part qu'il est pratiquement vide (Surprise...), l'endroit n'est pas laid, mais pour nous c'est du déjà vu. De plus, le manque de douches justifie à lui seul le fait de ne plus aller dans les parcs provinciaux.

Baleine à Bay Bulls
Wow!!! Ca fait maintenant trois jours qu'il fait beau et chaud! On commence à se sentir en été! Nous nous dirigeons vers Bay Bulls sur une route étonnement tranquille à travers un paysage formé de champs de mousse et d'herbe avec de grosses roches distribuées un peu partout. Là-bas, plusieurs petits bateaux embarquent les touristes pour allez leurs montrer les icebergs, des baleines ainsi qu'un sanctuaire d'oiseaux. C'est notre dernière chance de voir un gros iceberg de près. Malheureusement, il faut rapidement se rendre à l'évidence; à peine sortis de la baie, la mer s'étend de toute part devant nous sans la moindre tache de blanc. Cependant, deux baleines à bosses qui passaient par là, nous ont fournies tout un spectacle! Du haut du navire, je pouvait apercevoir l'animal en mouvement a à peine un mètre sous l'eau, dans toute sa splendeur de la tête au bout de la queue. Comme d'habitude, la photo ne rend malheureusement pas à sa juste valeur ce que nos yeux on vu.
Le village de Petty Harbour
Avec tout ca nous arrivons à Gould, une banlieue de St-John`s, vers 18 heures. C'est définitivement pas notre genre d'endroit. Nous bifurquons alors en vitesse vers la route longeant le littoral et nous nous dirigeons vers le site naturel du Cap Spear. La route est magnifique et nous atteignons un beau petit village du nom de Petty Harbour, accroché dans une petite vallée très encaissée. La nuit tombe rapidement et nous devons nous arrêter. A quelques kilomètres avant Cap Spear, la tente est montée sur le coté de la route, dans la forêt maintenant infestée de bestioles qui piquent.

En direction du Cap Spear
Au matin "l'enfer" près d'une centaine de maringouins on trouvé refuge dans notre vestibule! Nous établissons aisément un nouveau record olympique de paquetage de la tente et des sacoches sur le vélo. Devant nous, la route plonge tout droit vers un littoral tourmenté, formé de haute falaises avec quelques gros icebergs. Il faut monter trois grosses côtes pour enfin arriver au Cap Spear. Ca en vaut la peine, mais mon vélo commence maintenant à faire des vilains bruits au niveau de la roue arrière. Au Cap Spear, nous pouvons voir à une vingtaine de kilomètres de distances les falaises masquant la ville de St-John`s, invisible derrière ce mur de roche. Seul la tour de Cabot, minuscule point perché sur une muraille, trahit sa présence. La visite de la vieille maison du gardien de phare est pas mal bien et en francais SVP! Mais ce qui nous frappe le plus c'est un panneau indiquant que nous sommes sur la pointe de terre la plus à l'est de toute l'amérique du nord. Nous rencontrons à cet endroit notre deuxième cycliste, un anglais ayant roulé sur la trans-canadienne depuis son arrivé au Canada à Halifax au mois de... mai! Il n'a pas vu grand chose d'autre et écoute avec attention la description que nous lui faisons des régions où nous sommes allés. Il voyage sans sacoches et ne fait pas de camping. De retour aux vélos, nous avons à peine le temps de commencer notre diner que soudainement, et sans explication, mon pneu arrière explose!! Un vrai coup de fusil qui fait tourner les têtes des guides et touristes des environs. C'est la première fois que ca m'arrive comme ca et j'en suis quitte pour réinstaller mon vieux pneu de rechange que j'avais heureusement gardé. Les derniers 10 kilomètres du voyage sont assez côteux. Mon vieux vélo commence maintenant à me donner de réels signes de fatigues et je perd une heure à réparer trois de mes rayons qui se sont brisés en cascade. C'est finalement par une descente infernale que nous pénétrons soudainement et sans avertissement dans la ville. Une vraie ville celle-là: 200,000 habitants.

La dernière journée à Terre-Neuve est passé toute entière à St-John`s. Nous en profitons pour jouer les touristes et allons visiter la tour de Cabot, où Marconi à réussi à capter le premier signal radio trans-atlantique. La vue y est réellement superbe, tant sur la ville que sur la mer de l'autre coté. On fête la St-Jean et la fin du voyage dans un chic resto où nous faisons un peu bande à part avec shorts et polars...

C'est fini! Après un vol sans histoire, nous sommes de retour à Montréal dans l'après-midi du 25. En sortant de l'aéroport nous subissont un réel choc: il fait 35 Celsius! L'été s'annonce chaud. Pour nous c'est le retour à la réalité: Terminer la maîtrise pour moi et retourner travailler pour Elyse. Je garde toutefois d'excellents souvenirs de mon séjour à Terre-Neuve. Il y'a cependant des choses que je modifierais dans l'éventualité d'un retour sur l'île pour y faire du vélo. Il faut noter ici que c'est une opinion très subjective et que si pour moi la plus belle partie du voyage à été celle passé au début du voyage, de St-Anthony au Labrador, ce n'est pas du tout l'opinon d'Elyse. En rétrospective, je crois que nous avons tenté de tout voir et avons fini par n'effectuer qu'un survol plus ou moins rapide des endroits où nous sommes allés. A mon avis, il y a amplement de quoi à voir pour trois semaines à vélo uniquement passées sur la Viking Trail ainsi qu'au Labrador. Si un jour je retourne à Terre-Neuve, se sera essentiellement pour le sud du Labrador et le nord de la Viking Trail. Car c'est là-bas, à cet endroit, que j'ai vraiment ressenti le charme du dépaysément...

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Commentaires vélos


Incroyable!! Le parc national de Terra-Nova est ouvert mais il n'y a aucun service ou activité disponible... A la mi-juin!

Les parcs provinciaux sont l'équivalent au Québec de nos réserves fauniques. Pas d'abri, pas de douches.

Même si c'était plus délicat à quelques reprises, en général il n'y a pas eu de trafic intense sur les routes que nous avons empruntées, et ce même dans les environs de St-John`s.

La péninsule Avallon est définitivement plus densément habitée que les régions où nous avons séjournées précédement. On peut cependant encore camper pratiquement n'importe où, spécialement le long de la péninsule du cap St-Mary.

Dès que l'on quitte la trans-canadienne, il faut s'attendre à des côtes nombreuses et assez prononcées.


©1995 Benoit Girard. Toute reproduction interdite sans consentement écrit de l'auteur