Terre-Neuve

2 juin au 7 juin 1995


CarteDeLaSectionNordDeTerre-Neuve et sud du Labrador

Le nord du nord

Nous avons atterri à l'aéroport de St-Antony, qui est situé sur la 430 à mi-chemin entre St-Antony et Eddies Cove, tard dans l'après-midi du 2 juin. Juste à temps pour nous apercevoir qu'on avait oublié de transporter nos vélos ainsi que les sacoches... Et la fille à la réception qui me dit candidement que le prochain vol en provenance de St-John`s est seulement dans deux jours! Devant nos protestations, la compagnie Provincial Airlines en est quitte pour nous faire parvenir nos bagages par... taxi!!! Pour celui-ci il s'agit d'une ballade de 800 kilomètres aller-retour depuis l'aéroport de Deer Lake. Il n'arrive que tard dans la soirée et nous sommes donc contraint de passer la nuit à l'aéroport et de partir le jour suivant...

Preview - Sur la 430 la première journée
Sur la 430 en direction de St-Anthony
La journée était froide... très froide! 4 degrés celsius le jour, -2 la nuit. Et beaucoup de neige à part ca!! Nous commençons vraiment à nous demander ce qu'on fait à vélo dans ce coin perdu. Surtout qu'arrivé à l'intersection de la 430 et de la 437 il n'y a q'une cabane vide et fermée. Selon le guide c'est un centre d'information touristique! On espérait bien pouvoir s'y réchauffer un peu et se reposer, mais le froid nous fait vite repartir. N'ayant vu aucune habitation depuis notre départ de l'aéroport et sans naphte pour le réchaud, (Interdit dans les avions, ce qui signifie que nous n'avons aucun moyen de cuire les soupes et la bouffe déshydratée que nous avons avec nous), il faut alors nous contenter d'un dîner constitué de cuillerées de beurre d'arachides et de barres tendres. Nous laissons donc tomber, à regret, le projet de se rendre au parc historique national de l'Anse-au-Meadows situé à 60 kilomètres plus au nord et décidons de faire route immédiatement vers la ville de St-Anthony.

La baie de St-Anthony, prise par les glaces
La baie de St-Anthony prise par les glaces
Nous avons donc rejoint celle-ci, (5000 habitants. De loin la plus grosse à 500 kilomètres de distance), en fin d'après-midi au milieu d'un épais brouillard. On se dirige rapidement vers le premier gîte du passant, dont les propriétaires sont biens étonnés de nous voir ainsi débarquer de nulle part. Pour nous, c'est le dépaysement complet. La journée se termine par un merveilleux souper dans un restaurant à l'entrée de la baie de St-Anthony. Quelques rares touristes s'y retrouvent et le brouillard omniprésent donne à l'endroit un cachet mystérieux.
L'auteur devant un paysage féerique
C'est à ce moment là que celui-ci se lève et nous pouvons enfin voir la baie de St-Anthony dans son ensemble. Elle est complètement recouverte de blocs de glace de toutes tailles et au loin dans la mer, reposent d'immenses icebergs. A la fin du repas il est dix heures du soir et le soleil commence à se coucher. Nous marchons longuement sur le littoral de la baie et, sous un ciel de feu, tombons nez-à-nez sur un mini-iceberg perdu seul au fond d'une petite crique.

A velo dans la toundra
Elyse dans la toundra près de Eddies Cove
Le lendemain nous repartons sur nos pas. Vent dans le dos, nous couvrons aisément une distance de 85 kilomètres à travers quelques collines peuplées d'épinettes rabougries tout d'abord et, une fois repassé l'aéroport de St-Anthony, à travers une toundra de mousses, de caillous et de lichens. Comme il fait un beau soleil, le paysage de la veille est maintenant très différent, ce qui nous évite d'avoir l'impression de faire deux fois le même trajet. Loin au nord, on distingue le littoral du Labrador, qui est recouvert de plaques de neige n'arrivant pas fondre sous ce climat glacial. Car même sous le soleil de midi, la température n'atteint un maximum que d'environ 10 degrés Celsius.
Le coucher près de la route
Le seul endroit à l'abri du vent glacial
provenant du Labrador
Nous sommes très surpris du nombre d'orignaux que l'on croise et de leur peu de frayeur à l'endroit des humains. Ils se promènent le long, et sur!, la route sans se soucier apparemment de notre présence. Autre fait pittoresque; nous apercevons régulièrement collés sur le bord de la route de petits jardins "gardé" par un épouvantail et cela a près de 30 km de toutes habitations!.!. Arrivé à Eddies Cove, petit village d'une vingtaine de maisons, nous voyons devant nous le blanc contrastant des icebergs sur le bleu sombre des eaux du détroit de Belle-Isle séparant l'île de Terre-Neuve du continent. Après un repas chaud sur la plage, je fais la vaisselle dans une eau de mer si froide que je dois m'arrêter à toutes les cinq secondes afin de réchauffer mes mains engourdies. Ce soir là, nous dormons collés sur la route, seul endroit qui n'est pas balayé par les vents froids venant du Labrador.

Journée épuisante que celle du 5 juin! Seulement 35 misérables petits kilomètres parcourus en 6 heures au prix d'efforts intenses! Le vent, qui la veille nous poussait dans le dos, a repris sa direction habituelle et nous souffle maintenant directement dans le visage, nos anoraks claquants au vent comme des drapeaux. Néanmoins, le beau temps ainsi que le paysage, qui se compose de petits villages de pêche avec la mer et ses icebergs en arrière plan, nous fait oublier un peu la force du vent. Arrivé à St-Barbe vers 17 heures, la pluie commence à tomber et nous nous réfugions en vitesse dans un gîte du passant. Un deuxième en trois jours de vélo. Malgré l'apparence rustique de la maison, ceci nous permet de vivre toute une soirée avec une famille typique de l'endroit. L'acceuil est très chaleureux et nous avons droit à du pain maison et une étrange, mais bonne, confiture faite à partir de petites baies rouges qui ne poussent que dans la taïga et possédant le nom bizarre d'airelles-vignes-d'Ida ou partherige berries.

Sur la berge à Blanc-Sablon
Le jour levé, nous prenons le traversier pour le Québec! Juste de l'autre coté du détroit de Belle-Isle se trouve le village de Blanc-Sablon qui est notre destination. Entendant parler francais, je me glisse à l'arrière du traversier et y fait la rencontre de trois camionneurs de Sherbrooke et deux gars de Lourdes-de-Blanc-Sablon. Ils sont tous très surpris de voir des cyclistes et les offres d'assistances pleuvent. Les premiers nous offrant un lift pour le lendemain et les seconds de l'hébergement pour la nuit! Pendant tous ce temps, la mer est relativement calme et le ciel ensoleillé. Mais malheureusement pour nous, tous les gros icebergs que l'on pouvait voir le jour précédent sont disparus, emportés vers le nord-est par le vent. Le paysage qui s'offre à nous en débarquant du traversier est l'un des plus impressionant du voyage; une côte complètement dépourvue d'arbres, des berges rocailleuses, des montagnes dénudées et partout près du rivage, des blocs de glace bleutés. Laissant toutes nos saccoches au terminal du traversier, nous allons explorer la route jusqu'à Forteau, vingt kilomètres plus à l'est.
Paysage du Labrador
Paysage du Labrador
Du Québec, nous passons au Labrador dont la frontière est située au sommet d'une colline juste à coté de Blanc-Sablon. Le paysage reste impressionant, seul poussent les lichens, quelques mousses et de rares maigres arbustres. Ceci nous permet de voir à au moins 15 kilomètres à l'intérieur des terres et l'endroit prend soudainement des proportions gigantesques. Après quelques bonnes côtes nous arrivont rapidement à Forteau, tout petit village situé dans une magnifique baie se terminant par un promontoire surmonté d'un phare.
La baie de Forteau
Le retour, contre le vent, est cependant assez pénible mais ne transportant aucuns bagages, moins difficile que la journée précédente. A notre retour à Blanc-Sablon, il fait de plus en plus froid et l'idée de passer une nuit en camping sur le littoral balayé par un vent glacial ne nous est guère appétissante. Heureusement, l'employé du terminal maritime nous laissera utiliser la salle d'attente pour y passer la nuit.

Au matin du 7 juin, la pluie naissante et le froid omniprésent, nous acceptons l'offre du camionneur que nous avions rencontré la veille sur le traversier. Les quelques 150 kilomètres de transports repésentent pour nous un équivalent de deux jours de voyage supplémentaires et d'éviter d'avoir à pédaler sous la pluie. Il nous dépose en fin d'après-midi à une vingtaine de kilomètres au nord du parc national du Gros-Morne. Ceci nous ammènes à la deuxième partie du voyage:Les fjords de Gros-Morne


Commentaires vélos

Plus A part le froid et quelques jours de brouillard, la région se prête extrêmement bien à la pratique du vélo. La route est en bonne condition, sur l'île comme au Labrador, et le peu de voiture que l'on rencontre, (à peu près une par 15 minutes, un petit peu plus de trafic près de St-Antony), en fait pratiquement une véritable piste cyclable. Le terrain est très peu accidenté, avec quelques petites côtes par ci par la. Cependant, le littoral du Labrador est assez accidentée, avec quelques montées très inclinées.

MoyenLe vent est le pire ennemi du cycliste dans cette région. Il souffle habituellement en direction de l'est, nord-est avec une certaine force. Au Labrador ainsi qu'entre Eddies Cove et St-Barbe, la route située directement à coté du littoral peut devenir très difficile pour le vélo si vous allez contre le vent. Il faut donc absolument prévoir ceci dans la planification de votre voyage! Ça nous a pris 6 heures de peines et de misères pour parcourir les 35 kilomètres qui séparent Eddies Cove de St-Barbe...

PlusA part St-Antony et Lourdes-De-Blanc-Sablon au Québec, il est impossible de trouver les produits suivants dans les dépanneurs de villages (Quand il y'en a un!): Produit laitiers, Fruits et Légumes.

PlusL'aéroport de St-Antony, pour une raison mystérieuse, est situé en pleine taïga et est la seule construction habitée sur la route 430, de St-Antony (A 50 km de distance à l'est) jusqu'à Eddies Cove (A 40 km de distance à l'ouest). Lorsque vous débarquez de l'avion, veuillez être certain d'avoir avec vous tout ce qui vous est nécéssaire! Ceci inclu de la nourriture pour une journée de vélo...



©1995 Benoit Girard. Toute reproduction interdite sans consentement écrit de l'auteur