La troisème journée

Matin Midi Soir

16 août 1995

15 degrés Celsius maximum
Marche 8h30 à 16h00, 2h30 de pause
8 Km parcourus


La conquète du Verrier

Au début du 3ième jour
Lever à 6H00 comme prévu, ce qui, dans mon cas, est en soi une grande victoire. Le brouillard d'hier s'est dissipé et, malgré le ciel nuageux, un rayon de soleil nous réchauffe timidement. Autour de nous la mousse sur le sol regorge d'eau et est gonflée comme une éponge. Ca ne va pas être facile de marcher là-dedans. Après les super crèpes d'Eric, qui s'improvise déjà (et avec succès!) comme chef des déjeuners, nous partons en direction du mont Verrier. Quelques minutes de marche et nous arrivons sur le sommet de la crête. En contrebas, nous pouvons apercevoir la vallée nous séparant du plateau du mont Verrier. On nous avait prévenu que ce passage allait être difficile et que la plupart des expéditions choississent de longer la crête vers l'est sur deux kilomètres pour y trouver un accès plus facile à la vallée. C'était d'ailleurs notre itinéraire prévu. Comme nous sommes déjà assez en retard, on décide de tenter la voie directe.

Je pars en éclaireur et descens directement devant moi. C'est assez à pic, mais facilement négociable. Le plus difficile est de trouver un moyen de contourner plusieurs petites falaises qui me bloquent le chemin. Les autres suivent bientôt et nous voilà tous en train de descendre dans une espèce de faille, qui semble pouvoir nous mener jusqu'en bas. Ayant le vertige, je passe un très mauvais quart d'heure lorsque, à une dizaine de mètres avant le sol, il faut négocier un passage sur une roche glissante, le dos au vide et sans réel moyen de s'agripper.

La vallée est tout simplement magnifique. Nous faisons une pause sur la rive d'un lac sans nom. Si ce n'était que de moi, et si nous avions des journées supplémentaires, je resterais ici et me prélasserais toute la journée dans ce paysage de rêve! Surtout que la descente nous a pris un peu plus d'une heure, mais sur la carte nous n'avons avancé que de 250 mètres au maximum. Il faut cependant vite repartir et nous rencontrons alors devant nous notre première véritable forêt, dense, avec de grosses roches cachées sous le feuillage de petits arbustes. La traversée de celle-ci est rendue encore plus difficile car à de nombreux endroits, ce qui apparaît sur la carte topographique comme étant d'innocentes courbes de niveau, se transforment sur le terrain en mini-falaises impassables. Ceci nous oblige à faire un peu de slalom pour les éviter et nous demande temps et énergies supplémentaires.
Les beautés sauvages du massif des Monts Groulx


Devant nous se dresse le mont Verrier. 220 mètres de montée sur un kilomètre. C'est pas si mal, d'autant plus qu'on quitte rapidement les arbres de la vallée, ce qui nous permet de nous orienter plus précisément. Par contre, dès que la pente s'adoucit un peu, nous pataugeons à nouveau dans la mousse et plusieurs d'entre nous ont les pieds mouillés. Nous finissons par arriver au sommet du Verrier à midi exactement. Il vente très fort, les nuages sont revenus et il y fait froid. Nous ne restons sur le sommet que quelques minutes et redescendons immédiatement de plusieurs mètres pour y manger à l'abri du vent. De toute manière, la cabane située près de la tour, qui est complètement démolie et remplie d'ordures, ne nous inspire guère. Le ciel est d'un inquiétant gris et on peut même voir la pluie qui avance au loin. Malgré le froid, je réussi quand même à dormir presqu'une heure.

La vue en direction sud du sommet du Verrier
Les premières gouttes nous tombent dessus alors que nous sommes à la fin de la traversée de l'immense plateau situé au nord du mont Verrier. Grrr... Je m'aperçois alors que j'ai oublié mon anorak (Tout neuf et acheté spécialement pour l'expédition!) dans un des refuges du camp Nomade... J'hérite du plastique qui nous sert de bâche et me voilà transformé en monsieur Glad, avec un puncho dont la plus grande qualité est d'être encombrant. Nous montons ensuite sur le plateau suivant, orienté nord-sud, très long mais peu élevé et sommes alors dans une véritable taïga, avec ses épinettes espacées et ses petits lacs peu profonds.

Lecture de carte à l'arrivée sur le troisième plateau
Je suis si épuisé qu'aussitôt la tente montée, je m'y glisse et m'endors jusqu'au souper. Celui-ci devient au fil des jours un moment attendu car il nous permet de parler tous ensemble de ce que nous avons vécu lors de la journée de marche. Le moral remonte maintenant en flèche et il est maintenant certain que, à moins d'un incident majeur, nous réussirons la traversée. En effet, nous avons dépassé le point de non-retour et sommes maintenant plus près de l'arrivée que du départ. Nous devrions atteindre le plateau du mont Jauffret, demain tard dans l'après-midi.

Commentaires

D'après moi, mais ce n'est pas l'avis de tous, je crois que ça vaut la peine de faire le détour et de ne pas risquer un accident comme nous l'avons fait lors de la descente du début de la journée. Une cheville tordue ou une jambe cassée aurait été catastrophique pour nous tous.

Le sommet du mont Verrier (près de la cabane démolie) est recouvert d'ordures. Dur retour à la réalité après trois jours de beaux paysages.



© 1995 Benoit Girard. Toute reproduction interdite sans consentement écrit de l'auteur